Introduction

Hubert Benoit, a été de, 1967 à 1975, un de mes "professeurs-de-vie". Je dispose de trois cents pages de retranscription des enregistrements de nos entretiens de 1970 à 1973. »

Pas de vidéos à l'époque, mais, des « mini-cassettes » J'avais retranscrit les réponses qu'Hubert benoit m'avait faite à l'occasion d'une partie des nombreux entretiens que j'ai eue avec lui de 70 à 75. Je vais les publier sur ce blog. Peu à peu, au fil du temps.

Quelques informations préalables (je complèterai ou ajusterai, si nécessaire en cours de route). Ces paroles d'Hubert Benoit sont retranscrites telles quelles avec tout ce que cela entraîne de répétition et autres effets du à la parole parlée. Je n'ai pas retranscrit mes propres questions, objections etc..

Tout ce que j'ai trouvé sur internet au sujet d'Hubert Benoit ne donne pas une idée très juste de sa personne et de son enseignement. On lui attribue, par exemple, des affinités avec Gurdjieff qui le ferait beaucoup rire s'il était encore parmi nous. Plus sérieusement, il rejetait lui-même une grande parties de ces premiers écrits (notamment la pratique qu'il proposait dans son livre « Lâcher Prise »).

Hubert Benoit n'était pas « illuminé », "éveillé", et ne prétendait pas l'être ni même ne laissait croire qu'il l'était, comme le faisait par exemple Wei Wu Wei (qui était venu le voir et lui avait dédicacé un de ses livres : Open Secret).

Cette absence d'illumination, jointe à celle de partenaire intellectuel à sa hauteur (mise à part le Swami Siddheswarananda qui a été pour lui plus un ami qu'un «maître» ou « co-disciple ») et à celle et de maître spirituel suffisent déjà, en elles mêmes à expliquer les limites de son discours et de son évolution.

Hubert Benoit n'en était pas moins très loin devant ses contemporains dont les livres côtoyaient les siens dans les librairies spécialisées (Durkhëim, Klein, D'encausse, Alan Watts etc.) . Il ne se posait pas en référence à quoique ce soit, il ne discourait pas sur ou à propos de quoique ce soit, mais témoignait simplement de sa recherche personnelle, intime et vivante.

Rien ne conviendrait mieux à Hubert Benoit que cette phrase de Maxime le Confesseur : « Le seigneur éclaire de sa lumière notre intellect et le porte au même acte que lui. »

En effet, il avait non seulement une pensée affutée comme celle d'un rasoir mais il était véritablement inspiré. Unie à une grande sensibilité affective et psychologique et à une recherche introspective et personnelle de grande haleine cela a fait de lui un précurseur d'une authentique « psychologie » (science de l'âme) qui reste encore, de nos jours à élaborer et faire connaître.

Avant de publier ces paroles dites en entretien, un texte, sur lequel il travaillait et qu'il m'avait lu: «Mon âme entre vos mains »

À ma connaissance, ce texte n'a jamais été édité : Outre l'intérêt que ce texte peut avoir en lui-même, il témoigne aussi d'une évidence qui transparait au fil de ses paroles et de ses écrits : Hubert Benoit s'exprime en chrétien.

Bien qu'il ait pu être très critique de la doctrine de l'Église, et bien qu'il ait été très inspiré par le vedanta et le zen. Il n'appartenait pas à ces traditions et le soulignait souvent.

En ce sens, il est, et reste pour moi, non seulement en avance sur les catholiques « pré » et « post » Vatican II mais aussi sur ceux qui ont recherché un peu de profondeur dans les ashrams et les dojo.

Pour terminer cette introduction.

J'ai gardé au fil du temps ces « entretiens avec Hubert Benoit ». Ils m'ont souvent servi de repère et m'ont encouragé à poursuivre ma propre quête.

J'avais aussi toujours en mémoire l'idée que si je pouvais en faire part à ne serait-ce qu'une personne vraiment intéressée, cela aurait été une façon de rendre hommage à celui qui a été un de mes rares authentiques « professeur de vie ».

La demande, sur Facebook, de Roger, un brésilien, jointe à cette période bien particulière de mon passage sur terre et à la spécificité du forum que je viens d'ouvrir, a déclenché cette « publication ».

Si cela devait offenser ou léser des quelconques ayant droits potentiels, je leur demande de bien vouloir me contacter.

Laurent Huguet


dimanche 27 mars 2011

"Mon âme entre vos mains"


«  Je crois encore, illusoirement, que je pense, sens ; agis par moi-même.
En fait, tout mon fonctionnement est commandé par autre chose que moi ; il est conditionné, comme celui de tous les animaux, par le Démiurge – Nature. Je ne vis pas ma propre vie, c’est le démiurge qui vit par moi.

Je suis donc totalement asservi puisque ainsi ma psyché, reine de toutes mes fonctions, est esclave d’un usurpateur : « ô triste veuvage de la si pauvre âme ! » , de cette âme aliénée, possédée.

Si j’étais libéré, le fonctionnement organique qui assure mon existence relèverait seul, et légitimement, de la Nature ; mais ma psyché dépendrait uniquement du Soi qui est ma Réalité ; ma pensée participerait de la permanence du Soi et serait muette, non – verbale ; le silence régnerait en moi et j’entendrais toutes choses proclamer la présence de Dieu au monde et son adorable perfection.

Egaré par l’ignorance, croyant diriger moi-même ma vie, j’ai cru pouvoir compter également sur moi seul pour suivre la juste voie évolutive.
Je sais maintenant que cet « homme », mon apparence personnelle, n’est qu’un pantin absolument incapable, en lui-même et par lui-même de quoique ce soit, et surtout de se libérer.

Mais ce pantin personnel, je le suis encore en pratique puisque et parce que je crois l’être.

Aussi ma vie quotidienne ne se limite-t-elle pas, comme elle le devrait, au seul domaine anecdotique utile . Elle comporte en outre, en trop, le fonctionnement constant et malencontreux de mon système compensateur, c'est à dire, mon agitation imaginaire ou de rêve, ma « pseudo-pensée » onirique, incessante et fébrile.

Cette agitation en moi, du « singe fou » est précisément ce qui entretient et consolide mon égotisme asservi et me ferme à l’activité libératrice du Soi.
Quel dommage ! Puisque le Soi Tout Puissant, seul capable d’abolir ma prison, est présent en moi de toute éternité et toujours prêt à me mener jusqu’à l’éveil de la « Vraie Vie »

Je suis semblable à cet homme qui, baignant dans l’eau vive, supplie vainement tout le monde d’étancher sa soif.

Je suis « l’apprenti sorcier » qui, bavard intarissable en illusoires formules magiques, prétend faire ce dont il est incapable ; j’interdis ainsi l’activité libératrice du Soi, du « Grand Sorcier » et j’aggrave sans cesse ma misère.
Seul le sacrifice de ma « pensée » imaginaire peut me valoir un jour l’éveil à la Vie éternelle.

Mais je ne peux pas faire taire moi-même mon « bavard intérieur » et je ne dois surtout pas m’y efforcer .
Je dois laisser le « singe fou » s’agiter en moi selon sa fantaisie. Je dois, en une parfaite discrétion, respecter la totalité de mon fonctionnement tel qu’il est en chaque instant, et rester en paix avec le Démiurge ; je dois être le spectateur immobile de moi-même, l’œil qui constate sans jamais juger. Je dois vivre mon esclavage en l’acceptant de tout cœur : « laissez les choses comme elles peuvent être. ».

Mon changement évolutif ne relève que du Soi.

Si je tentais de m’en occuper moi-même, je ne ferais qu’envenimer les choses.
Les progrès même de ma discrétion, de mon « non agir », de mon active et vigilante passivité, ne relève que du Soi.

Ma vie anecdotique tend sans cesse, hélas, à me faire oublier le Soi et elle y parvient trop bien.

J’oublie ainsi la présence en moi de Celui-là qui m’aimant de son amour infini, s’offre sans cesse à me mener vers le paradis intérieur dont j’ai été exilé et dont mes efforts personnels n’ont jamais pu me faire retrouver le chemin.

Lui seul, l’Unique Adorable, peut réaliser ma miraculeuse transformation, m’inclure en Lui jusqu’à l’identité, me donner l’Être, la Connaissance et la Félicité Absolue.

Il y travaille dès que ma confiance en Lui m’ouvre et dans la mesure ou elle le fait.
Seules mes illusions arrogantes me ferment et me contraignent, moi qui ne suis ni ne peut rien, à tenter vainement d’apaiser, par des caches-misères, ma « nostalgie d’être ».

Pour que le Soi fasse ce que je ne puis faire et m’accorde sa merveilleuse présence, pour qu’enfin l’Unique Adorable se révèle en moi et se substitue à mon ego, il suffit que réside de plus en plus l’évidence muette de sa présence active et aimante et que tout en jouant le « jeu de la vie » sans y attacher de véritable importance, je l’attende sans cesse avec une intensité croissante.

Je ne sais rien de Lui, ni ne sais comment il agit, ni les états par lesquels il me fera passer, ni l’aboutissement de son action.

Mais la foi n’est-elle pas confiance ?

Puisque, d’ailleurs, je vis actuellement dans l’enfer de son absence, n’importe qu’elle autre vie n’est-elle pas préférable ? n’importe quoi plutôt que de demeurer l’« enfant perdu » que je suis aujourd’hui.

L’ Esprit souffle quand il veut : «  vous ne savez ni le jour ni l’heure. » .

Mon attitude intérieure doit donc être, sous ma vie consciente de surface, une attente muette et constante, une vigilance immobile et « armée d’une ardente patience. ».

Pour obtenir d’être ouvert au Soi, il suffit que je conçoive et re-conçoive régulièrement, à travers ma conscience claire, ces simples et dernières évidences.
[ « … nécessité pour qui veut être délivré du fonctionnement égotiste et de ses conséquences névrotiques, des lectures régulièrement répétées. Cette auto-discipline aimée est possible et salutaire. Mais, patience quant à la constatation des résultats. »]
 
A chaque fois ce sera une nouvelle semailles de graines toujours plus aptes à germer. Et j’aimerais toujours d’avantage recourir à ces impulsions de l’Esprit, à ces moments ou je vois le Vrai.

En somme, deux façons de vivre sont nécessaires, deux vies distinctes et alternantes, chacune étant purement elle-même.

Dans l’une je me consacre à voir ma condition selon l’optique initiatique juste.
Dans l’autre, je m’abandonne à mes automatismes habituels pleinement acceptés.

Ainsi grandira en moi l’évidence que mon film mental parlant, clairement conscient est absurde puisque stérile, cependant que mon attente profonde et muette du Soi, seule féconde, s’enracinera de plus en plus dans ma conscience muette-obscure, là ou résident mes idées forces », mon « penser-sentir » :

« Mon amour, je remets mon âme entre vos mains. »

2 commentaires:

  1. C'est un texte mervielleux d'authenticité et de lucidité Un grand merci de l'avoir fait passer

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    1. Et merci de ce commentaire.
      Authenticité et lucidité sont effectivement rares sur le "grand marché" de la spiritualité contemporaine.

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